Monoline

Monoline

1893.

William Stephen Scudder, qui fut collaborateur de Mergenthaler et dirigea la construction des machines à la Linotype Company, mit au point la Monoline, avant de devenir (dans les années 1910, quand les principaux brevets de la Linotype furent périmés) ingénieur en chef à l’Intertype Corporation.

Machine Monoline, premier modèle

La Monoline fut présentée à l’Exposition de Colomb (« Columbian Exhibition », Chicago, 1893), où elle obtint un diplôme d’honneur. Trente ans plus tard, plusieurs centaines de ces machines étaient en usage, principalement en Allemagne, où elles étaient construites (par la Monoline Maschinenfabrik1), en Suisse, aux Pays-Bas et même à Beyrouth. Le fait que la Monoline ne composait pas l’italique la destinait particulièrement aux pays germanophones, où l’on interlettre les caractères romains pour les termes qui dans d’autres pays seraient composés en italiques.

Composeuse Monoline

Malgré un certain succès, la Monoline ne résista pas à la concurrence de ses grandes sœurs, Linotypes et Intertypes (ainsi que la Typograph, de J.R. Rogers, également construite à Berlin).

Le principal souci de Scudder fut de simplifier la Linotype. Il en vint à grouper les matrices par 12 (un peu comme sur la « machine à bandes », ancêtre de la Linotype) sur des tiges où sont regroupées les lettres de même chasse. Ainsi les lettres q, v, p, u, d, h, n, o, a, g, b, k sont-elles réunies sur une même « barre-matrice ». Il y a 8 sortes de barres-matrices différentes, et chaque compartiment du magasin en contient de 50 à 100. Le clavier comprend donc 96 (8 x 12) touches. En appuyant sur l’une d’elles, on fait glisser  une barre-matrice, et en même temps on pousse une tige d’arrêt qui sélectionne, parmi les 12, le caractère voulu. Les espaces, classiques, sont du type à coins coulissants. La fonte est similaire à celle de la Linotype. Les matrices sont reprises par un rail descendant qui se glisse sous leurs crochets, et alignées par le bas. Comme les 8 sortes de matrices ont chacune une hauteur différente, il est très simple de les faire glisser sur 8 tringles superposées, qui vont les reconduire dans leurs compartiments respectifs. Une neuvième tige récupère les espaces-bandes.

Clavier de la Monoline (in Legros et Grant)

Principaux atouts de la Monoline : un prix de moitié inférieur à celui de la Linotype ; un faible encombrement (environ un mètre carré, sur 1 m de haut); une grande simplicité de construction, notamment dans la partie distribution. Mais l’absence des caractères italiques lui ferma sûrement bien des portes. Et le souci de simplification avait conduisit à proposer un moule par justification et par corps, ce qui manquait de souplesse. Par ailleurs, les brevets, pour l’exploitation desquels avait été créée la Monoline Composing Cie, furent rachetés par la Mergenthaler Linotype Company, et la machine ne put être construite ni vendue aux États-Unis. Elle le fut cependant au Canada2 et dans divers pays européens (en particulier Allemagne et Autriche, jusqu’en 1910), sans parvenir à entamer le quasi-monopole de la Linotype.

Dernier épisode pour cette machine aux environs de 1906, quand, autour du professeur Mac Namara, de la Cornell University (Ithaka, État de New York), un groupe de constructeurs reprit l’invention de Scudder, en la perfectionnant. Mais cette machine, bien que largement supérieure aux modèles précédents, fut combattue par la Monoline Maschinenfabrik de Berlin, qui en empêcha la commercialisation en Europe.

Réf. : La Typologie-Tucker, 1897.
L’Imprimerie, 1899.
L’Intermédiaire des imprimeurs, 15 mars 1895.
Brochure publicitaire Monoline.

Inland Printer, janvier 1894, juillet 1901, février 1902.
Antoine Seyl, Histoire illustrée des machines à composer typographiques et phototypographiques, Bruxelles, 1966.

  1. En mai 1900, la revue L’Imprimerie indique : « La fabrique de machines Gustave Fischer and Co, à Berlin, […] construit la plus récente des machines à composer qui nous sont arrivées d’Amérique et possède les brevets pour l’Allemagne, la Russie, la Scandinavie, le Danemark, l’Italie et la Suisse [et] a maintenant organisé une école de compositeurs pour sa machine. » ↩︎
  2. En 1905, l’usine Monoline construite en 1894 à Montréal fut rachetée par la Mergenthaler Linotype Company pour la somme de 1 250 000 dollars. A ce moment, plus de 1 200 machines y avaient été produites, vendues jusqu’en Australie, Amérique du Sud et Afrique du Sud. ↩︎